La ville de Montpellier fut créée en 985, à l’occasion de la vente d’un manse (petit domaine féodal) –Monte pestelario– à un seigneur de Guilhem. Bénéficiant d’une situation privilégiée, Montpellier va très vite se développer : la voie domitienne, la cami salinié ou « route du sel », la via Tolosana sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, le Lez navigable, en font un carrefour d’échanges.
Neuf Guilhem ont administré la seigneurie de Montpellier jusqu’en 1204, date à laquelle Pierre II, roi d’Aragon, devient seigneur de la ville.
Pendant un siècle et demi, les rois de Majorque sont seigneurs de Montpellier jusqu’à ce que Jacques III la vende, le 18 avril 1349, à Philippe VI de Valois, roi de France.
En ce milieu du XIVe siècle, Montpellier est l’une des villes les plus importantes et les plus peuplées du Midi et la deuxième ville du royaume. Capitale intellectuelle d’Occident par son université, profondément pieuse, elle peut faire figure de capitale de la chrétienté. En 1273, il fut fortement question d’y tenir le concile œcuménique qui, finalement, eut lieu à Lyon, en 1274, sous le pontificat de Grégoire X.
Ville de 40 hectares, de 40 000 habitants, de 10 000 habitations, ceinte de 3,8 km de remparts de 8 m de haut, avec 25 tours de défense et 11 portes, elle est l’un des principaux centres d’affaires et de commerce, par terre et par mer, grâce à son port de Lattes.
D’un lacis de rues étroites émerge le toit pointu de Notre-Dame-des-Tables où est vénérée, depuis le XIIe siècle, une vierge en bois noir thaumaturge, ramenée de croisade par Guilhem V. La Vierge se retrouve d’ailleurs sur le sceau des Guilhem, puis sur celui des consuls. Notre-Dame-des-Tables n’est pas une paroisse, mais un prieur y administrait les sacrements et exerçait la cura animarum – traduction littérale : le soin des âmes ; pénitence, eucharistie, bénédiction de mariage, ensevelissement des morts. Saint Roch y a d’ailleurs été baptisé. Elle concentre la vie sociale, intellectuelle, universitaire, administrative et spirituelle de la cité. La Vierge y est patronne de la ville.
Parlons un petit peu plus longuement de « ce riant jardin des sciences », comme l’a nommé Guillaume de Grimoard, moine bénédictin de la congrégation Saint-Victor-de-Marseille, qui fut étudiant puis docteur en droit canonique en 1342 avant d’être élu, vingt ans plus tard, pape en Avignon sous le nom d’Urbain V. En 1367, il profita de son séjour à Montpellier pour faire achever les travaux du monastère Saint-Benoît et Saint-Germain (aujourd’hui, emplacement de la cathédrale Saint-Pierre), de la chapelle et du collège attenants où seront enseignés, dès 1367, la théologie, le droit canon et les arts. En mai 1367, il s’embarque pour Rome (lire la « Vie de saint Roch de Montpellier ».)
Les structures universitaires se sont institutionnalisées dès le XIIIe siècle, sous la protection de l’Église. Le diplôme principal est la licence, décernée par l’évêque de Maguelone.
Ville de studium général -ce qui signifiait qu’on pouvait y étudier toutes les matières-, on y trouve les universités de médecine, de droit civil et canonique, et aussi des écoles de grammaire et d’arts libéraux.
Réputée pour la qualité de son enseignement et pour l’orientation pratique et clinique de sa formation, avec son stage obligatoire de six mois, la faculté de médecine, constituée en université en 1220, a accueilli indifféremment, dès 1180, des professeurs et des élèves chrétiens, juifs ou arabes. Ses diplômes permettent d’enseigner partout. Maîtres et élèves sont en majorité des laïcs qui peuvent donc pratiquer l’incision des chairs et l’anatomie –première dissection en 1340-. En outre, ils reçoivent des papes d’Avignon les mêmes privilèges que les clercs.
Cette université a un immense succès, dû à l’éventail de doctrines qu’on ne trouvait qu’en son sein, avec deux grands apports équilibrés : greco-latin et judéo-arabe (Socrate, Galien, Rhazès, Avicenne, Averroes, Maimonide) auxquels venaient s’ajouter des traités originaux sur les maladies, leurs symptômes, les pharmacopées.
Quelques noms de médecins célèbres : Arnaud de Villeneuve, Henri de Mondeville, Bernard Gordon, Gérard de Solo, Gui de Chauliac.
L’université de droit civil et canonique, fondée à la fin du XIIIème siècle, reçoit en 1339 ses premiers statuts définis par le fameux Bertrand de Deaux, devenu cardinal à la curie d’Avignon, après avoir enseigné à Montpellier. Il s’inspire des statuts de l’université de Bologne, réservant un rôle prépondérant aux étudiants dans la gestion de l’université. Beaucoup de prestige pour cet enseignement du droit romain, qui offre de nombreux débouchés de carrière comme, par exemple, conseiller auprès des princes, dans l’Église et les villes.
Montpellier est une ville qui dispose d’un tissu extrêmement important d’églises, d’institutions religieuses, de couvents. On y compte la présence de nombreux ordres : Franciscains et Clarisses, Dominicains et Dominicaines, Frères du Saint-Esprit, Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, Carmes, Augustins, Mercédaires, Antonins.
Hors de la commune clôture, il existe deux couvents importants : au sud-est du faubourg de Lattes, le couvent des Franciscains, au nord-est de la ville le couvent des Frères prêcheurs, qui est l’un des plus importants et des plus anciens de l’ordre, fondé en 1220, contemporain de saint Dominique. On y enseigne aux frères venus de tous horizons. Saint Antoine de Padoue y est passé pour enseigner. Ces deux couvents reçurent la reconnaissance officielle pour l’enseignement de la théologie. Montpellier est, ne l’oublions pas, une ville étape importante sur la via Tolosana, c’est une ville de pèlerinage, elle est donc sur une des quatre grandes routes d’Occident, qui mène à Saint-Jacques-de-Compostelle. Aussi, chapelles, églises, maisons de prières, institutions pieuses et charitables prolifèrent. Confréries, charités de métiers, chapelleries et couvents sont largement ouverts aux laïcs.
Montpellier dispose de huit hôpitaux : Saint-Guilhem, Saint-Eloi, du Saint-Esprit -fondé par Gui de Montpellier, à la fin du XIIème siècle, à l’origine de l’ordre hospitalier déjà diffusé dans toute la chrétienté– Saint-Jaumes, Sainte-Marie-des-Teutons, Saint-Antoine, où l’on soigne particulièrement l’ergotisme (maladie contractée par la consommation de céréales contaminées par un champignon parasite, comme l’ergot de seigle), que les Antonins savent guérir, de la Madeleine pour les femmes repenties, la léproserie de Saint-Lazare. Tous, financés par des donations, regroupent les services d’hospitalité. Ils reçoivent indifféremment, par lits de 3 ou 4 personnes, passants, vagabonds, indigents, malades et pèlerins. Ces derniers surtout à Saint-Eloi et Saint-Jaumes. Seuls les lépreux sont soignés à part.
Malgré le tournant opéré dans ce Moyen Âge, Montpellier reste, en ce milieu du XIVème siècle, une grande cité du sud de la France.
C’est une république marchande, un centre économique dynamique, une ville cosmopolite, créative, ouverte, tolérante, de savoir et fervente, où la solidarité, l’entraide et la charité ne sont pas de vains mots. Tout cela va certainement contribuer à modeler l’enfance et l’adolescence de Monseigneur Roch – celui qui va devenir Saint-Roch de Montpellier- un des saints les plus vénérés de la chrétienté.
Saint-Roch naquit juste avant, ou pendant, la terrible peste de 1348-50, et connut deux autres épidémies à Montpellier, en 1358 et 1361.
Il vécut :
En 1355, l’invasion des armées anglaises : le Prince Noir, fils d’Edouard III, débarque à Bordeaux avec une armée de 3 500 cavaliers. Prince d’Aquitaine, aidé par les chevaliers Gascons, il va arriver jusqu’aux portes de Montpellier. Par bonheur, il opère un repli stratégique pour rencontrer le roi de France. Montpellier est sauvée.
En 1362, la terrible famine succédant au gros orage qui dévasta les récoltes.
En 1363, l’hiver extrêmement rigoureux qui détruisit vignes et oliviers. Le gel était tellement intense qu’on pouvait marcher sur l’étang de Thau.